mercredi 20 juin 2012

A celle que j'étais...








A celle que j'étais à cinq ans, celle qui se penchait sous les meubles à la recherche d'objets mystérieux, celle qui observait les insectes dans les buissons, je te promets que plus tard tu n'auras plus qu'à te pencher dans ton esprit pour y trouver un monde qui grouille de vie...

A celle que j'étais à six ans, celle qui se cassait la gueule dans les ronces à force de vouloir apprendre à faire du vélo avec son père, celle qui tapait rageusement dans le vélo inanimé après une énième gamelle je te promets que plus tard tu sauras faire du vélo et bien d'autre chose mais tu auras toujours ce sale caractère...

A celle que j'étais à sept ans dans cette chambre, et qui perdait peu à peu toutes ces racines, arrachées les unes après les autres, j'aimerais qu'un jour tu me pardonnes d'avoir oublié autant de choses sur elle, son odeur, sa voix... Il ne reste plus que sa douceur maternelle. Mais ce jour là si tu as perdu ta grand mère, tu as aussi gagné un père.

A celle que j'étais à huit ans, déboussolée et triste avec cette mère qui n'en portait que le nom : un jour tu ne ressentiras plus rien à son égard, je t'en tiens la promesse, excepté cette indifférence teintée de pitié. Je te jure aussi qu'un jour nous habiterons dans un lieu bien à nous, qui nous ressemblera.

A celle que j'étais à neuf ans qui a vu son père brisé, soit forte, des jours meilleurs arrivent toujours. Le mauvais temps cède toujours sa place au beau temps.

A celle que j'étais à dix ans, celle qui cuisinait des raviolis en boite et qui allait faire des courses pour sa famille... Tu ne seras jamais une excellente cuisinière, mais tu seras capable de vivre seule.

A celle que j'étais quand j'avais onze ans, celle qui rêvait en regardant le tatouage sur le bras de son père, je te promets qu'un jour nous aussi nous aurons sur la peau ces marques de notre identité. Ce corps sera toujours le nôtre!

A celle que j'étais à douze ans, celle qui haïssait son corps rond, ces formes féminines trop prononcées rassure toi : si dix ans plus tard ce même corps t'amène de si douces caresses alors peut être n'est-il pas autant haïssable?

A celle que j'étais à treize ans, celle qui commençait à écrire sur le papier les histoires qui peuplaient sa tête... Continuons?

A celle que j'étais à quatorze ans, celle qui refusa d'être une victime, celle qui préféra se défendre, je te le jure, nous ne ploierons pas, nous ne laisserons la possibilité à personne de nous écraser sans nous venger.

A celle que j'étais à quinze ans celle qui était sur le fauteuil du tatoueur, celle qui contemplait l'encre pénétrant la peau, heureuse de pouvoir proclamer que corps est enfin sien, ton corps continuera, avec le temps cet étranger nous ressemblera.

A celle que j'étais à seize ans, celle qui se trouvait stupide, sans la moindre culture, tu as tort. Je sais que tu pense être sotte mais attends de voir, d'apprendre. Essayons juste d'accepter l'idée que les autres nous construisent aussi.

A celle que j'étais à dix-sept ans, celle qui se posait sur les bords de seine pour manger entre deux cours à la faculté, celle qui avait hâte de rencontrer de nouvelles personnes, tu feras de merveilleuses rencontres ici. Croisons les doigts pour que ces amis là, restent.

A celle que j'étais à dix huit ans, celle qui jura à une amie que cette histoire c'était la bonne, la première qu'elle mènerait jusqu'au bout... Aujourd'hui Raphaëlle a des contours, un visage, une histoire... Et si nous allions lui rendre un peu visite?

A celle que j'étais à dix neuf ans, seule dans cette chambre bleu à Paris, heureuse, fière et libre, je prends les paris: ça doit bien être possible à deux aussi? Non?

A celle que j'étais à vingt ans, j'ai envie de te dire peu importe la fonction que tu assumera dans ce vaste monde, elle ne te définira jamais. Jamais nous ne nous limiterons à ça !

A celle que j'étais à vingt et un ans, cette proche, bientôt lointaine, nous deviendrons des étrangères.

A celle que je suis. Celle qui rêve d'un avenir doux et paisible, de voyages, d'après-midi devant un clavier, de nuits pluvieuses et d'une demeure. Je ne peux rien te promettre à toi.

A celle que je serais ...

vendredi 10 février 2012

Vous êtes ici


    Vous êtes ici.
Il n'y a aucun ailleurs. Pas de monde des Idées, pas de paradis, mais pas d'enfer non plus d'ailleurs.

    Vous êtes ici.
Ce monde est votre monde, le mien également. C'est drôle, mais si on y pense ces ailleurs ne sont tirés que d'aspects caricaturales de notre monde. Ils en sont une particularité, grossie à l'excès, conceptualisé jusqu'à en devenir ridicule.
    Vous trouvez ça vraiment enviable, vous, une éternité dans un ciel éthéré? Dans une parfaite béatitude?
    Moi, personnellement, non. Et je dis ça en toute sincérité, sans la moindre ironie ni cynisme. Mais une éternité d'un bonheur sans obstacle me semble retirer par la même occasion  tout sens à ce mot.

    Oui, j'ose le dire, malgré le bon ton actuel qui veuille qu'on donne la parole plus volontiers aux pessimistes, aux réalistes, à toutes ces personnes qui se mettent toujours en avant en contant tout les malheurs qui leur arrive, et jamais les actes dont ils ont réussis à se rendre les auteurs.

    Et l'enfer n'en parlons pas. Un rêve pour ceux qui aiment voir les méchants punis.

    Oui, j'aime ce foutu monde. Et je le clame haut et fort. Je l'aime, que ce soit lorsque je suis heureuse ou lorsqu'un accès de mélancolie vient errer dans mon coeur.
    Que ce soit lorsque les rayons du soleils viennent réchauffer ma large silhouette, ou la nuit, lorsque les lampadaires tapent sur le bitume humide, me donnant l'impression de marcher sur un second ciel étoilé.

    Au printemps, quand les arbres viennent de fleurir, et aussi en automne quand ils perdent leurs feuilles mordorées au gré du vent.

    Pour tout dire j'aime la vie, à tel point que la mort du néant me terrifie et que ces autres mondes artificielles m'ennuient.
    Si on me laissait le choix, si une once de foi animait ce cerveau qui est le mien je prendrais sans difficultés le choix de la réincarnation. Et éternellement...
    En attendant j'espère que ce monde me survivra.



mardi 24 janvier 2012

22 années


     C'est un matin comme les autres. Pourtant cette journée vient me rappeler le temps qui passe : j'ai 22 ans.
      Alors pour couper l'herbe sous le pied à toute ces réflexions du genre « techniquement t'as juste une journée de plus qu'hier », je tiens à dire qu'hier j'avais 21 ans et 364 jours. Alors oui je n'ai pris qu'une journée de plus mais ce jour sonne comme une étape. Un peu à la manière du coureur qui viendrait à franchir la ligne d'arrivée: techniquement il n'a fait qu'un pas de plus et pourtant lui on va pas l'emmerder avec notre cynisme.
      Non je suis injuste. Je suis bien passive qu'un coureur. Moi je peux pas m'arrêter, me stopper là et regarder les gens et leur dire d'aller se faire foutre, eux et leur compétition sportive qui célèbrent la performance des uns au détriment des autres, puis faire demi-tour tout doucement en prenant cette fois le temps de contempler le paysage.
      Le temps je le subis plus comme un mollusque sur le récif subit la marée.
Je fais avec.

      Je ne veux pas faire pleurer dans les chaumières, je suis encore à cet âge bénie où la vieillesse semble loin. Ça je m'en rends bien compte en observant les « plus vieux ». Et pourtant je vois bien que je ne suis définitivement plus une enfant, ni une ado. Non je suis une « jeune adulte ».

      Mon corps est déjà marqué de quelques cicatrices comme me le montre le miroir de bon matin. Au bien sur je mentirais en disant que je me trouve sublime. Mais l'avantage d'être une jeune adulte c'est que, contrairement à l'ado, c'est que j'ai nullement besoin de me sentir magnifique pour me sentir bien. Il faut juste que ce corps soit en adéquation avec mon état d'esprit.
       Alors je me suis fait tatoué, autant de marque de ma propre volonté sur mon corps. Je me suis teint les cheveux en rouge sans autre considération que j'aime ça. Un petit piercing, léger, bien plus que mes tatouages à but personnel, pour annoncer un peu la couleur du personnage que je suis devenue. Peu être un jour le retirais-je? J'en sais rien pour le moment.
        Oui j'ai compris que, et ce bien que les médias semblent nous convaincre du contraire, on peut très bien vivre avec quelques rondeurs sur les hanches, sur le ventre, sur les cuisses. L'important n'est pas de plaire au plus grand nombre, mais de se faire désirer de celui que l'on veut. Après tout les humains et les corps sont bien plus multiples que le modèle dominant ne le suggère.

       Alors qu'est ce que je vois ce matin là dans le miroir?
       Moi. Mon visage rond, mes yeux bleus qui tirent sur un gris qui évoque un temps légèrement pluvieux. Des lèvres fines, un nez fin mais bosselé sur le milieu. Des cheveux rouges que je n'attache que rarement, en bataille. Un corps rond mais sans être gros. Des hanches, des seins, des cuisses, autant de marques de ma féminité. Des tatouages qui ensemble me rappelle quelle attitude à tenir envers le temps qui passe. Quelques cicatrices qui me rappellent des souvenirs...
        Je suis en partie un peu de tout ça. Mais pour sortir je me rhabille. Par pudeur mais pas celle que vous pensez. Celle qui consiste à ne pas se livrer nue au tout premier abord.